23.06.20

RETRAIT DE L'ARRÊTE DU BOURGMESTRE DE LA COMMUNE DE SAINT-JOSSE INTERDISANT LA REOUVERTURE DES CARREES DE PROSTITUTION

Depuis le 8 juin, nous sommes entrés dans la "phase 3" du processus de déconfinement qui implique la reprise d'une série d'activités dans le respect des règles imposées par le ministre compétent en concertation avec chaque secteur concerné. Dans ce cadre, l'arrêté ministériel qui organise le (dé)confinement autorise la réouverture des salons de massage. Si la prostitution n'est pas expressément visée, les travailleurs du sexe ne s'en trouvaient pas moins concernés. Privés de tout moyen de subsistance depuis la mi-mars, il était urgent soit de leur permettre de travailler dans le respect de conditions sanitaires strictes (le virus ne se transmet pas par les relations sexuelles), soit de leur ouvrir l'accès à des aides publiques.

Un accord sectoriel a été conclu entre différentes associations d'émancipation et de défense des intérêts des travailleurs du sexe, des représentants de différentes communes concernées (Anvers et Schaerbeek) et un épidémiologiste. Cet accord a été validé par le Groupe d'Experts en charge de l'Exit Strategy (GEES) dès le 8 juin et approuvé par le ministre en charge des indépendants dès le 9 juin.

Malgré que les conditions légales étaient donc réunies pour une reprise d'activité, certains bourgmestres ont décidé d'adopter des arrêtés de police visant à interdire cette reprise à l'échelle de leur territoire. L'on notera que les communes concernées sont celles qui ont tenté, à plusieurs reprises, d'éradiquer la prostitution visible sur leur territoire par l'adoption de règlements prohibitionnistes systématiquement suspendus puis annulés par le Conseil d'Etat.

Tel est le cas de la commune de Saint-Josse, dont le bourgmestre a, malgré que les conditions de réouverture imposées par le fédéral étaient réunies, adopté le 10 juin un arrêté de police visant à interdire la réouverture des carrées présentes sur le territoire de sa commune "tant qu'aucune mesure ad hoc de réouverture de ces commerces n'aura pas été adoptée par l'autorité fédérale". Il considère que le Groupe d'Experts en charge de l'Exit Strategy (GEES) institué par le Gouvernement fédéral ne constituait qu' "un organisme privé" adoptant des "mesures unilatérales à la place du gouvernement fédéral".

Défendant les droits d'une travailleuse du sexe, Vincent Letellier a saisi le Conseil d'Etat d'un recours en extrême urgence contre cette décision manifestement illégale puisque (i) le bourgmestre n'a pas la compétence d'édicter des règles générales mais seulement celle de prendre des décisions individuelles, (ii) qu'en matière de prostitution, les communes ne peuvent prendre que des arrêtés visant à préserver la tranquillité et la moralité publiques et pas des dispositions relatives à la santé publique, (iii) que la reprise des activités est couverte par l'accord sectoriel qui répond aux exigences de fond et de forme prévues par le Conseil national de Sécurité et traduites dans l'arrêté ministériel établissant les règles du (dé)confinement ce que n'ignorait d'ailleurs pas le bourgmestre de Saint-Josse et, subsidiairement, (iv) que les communes ne peuvent doter leurs règlements en matière de prostitution d'un régime de sanctions administratives comme c'était le cas.

Au vu de ce recours, et pour éviter une nouvelle sanction du Conseil d'Etat, le bourgmestre de Saint-Josse a procédé au retrait de la décision attaquée, faisant ainsi droit à la demande.

resPublica ne se positionne pas dans le débat sur l'opportunité d'interdire ou non la prostitution. Nous plaidons par contre que rien ne justifie que les droits et la dignité des personnes les plus fragilisées, en ce compris celles qui se prostituent, ne soient pas respectés.