19.10.22

Le juge pénal ne peut pas faire droit à une demande de réparation du fonctionnaire délégué consistant en la mise en conformité avec un permis déclaré illégal par le juge de la cessation

Trib. Charleroi (12e ch.corr.), 19 octobre 2022

Les éléments antérieurs à la procédure pénale qui a donné lieu au jugement du 19 octobre 2022 peuvent se résumer comme suit.

Notre client nous ayant consulté après l'expiration du délai pour saisir le Conseil d'Etat de la légalité du permis d'urbanisme couvrant la réalisation d'un projet aux gabarits exhorbitants à côté de chez lui, nous avons introduit pour lui une action en cessation en matière de protection de l'environnement par le jeu de la représentation citoyenne de la commune. L'article L-1242-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation permet en effet à tout citoyen d'agir au nom et pour le compte de sa commune lorsque celle-ci n'exerce pas ses droits. Ce mécanisme de représentation citoyenne permet de mettre en oeuvre des actions réservées aux communes, dont l'action en cessation environnementale instituée par la loi du 12 janvier 1993 "concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement". 

Statuant sur cette action, la Cour d'appel de Mons a constaté que le permis était illégal et ordonné la cessation des travaux. L'illégalité résulte de ce que le permis autorise une construction dont la hauteur est sensiblement supérieure à celles de ses voisines, portant ainsi atteinte au cadre de vie des voisins en raison des nuisances qu'engendre son implantation. Sans le dire, la Cour d'appel sanctionne une erreur manifeste d'appréciation.

Avant que la Cour d'appel n'ordonne la cessation, le chantier était bien engagé et le propriétaire avait pris quelques largesses avec les plans, ce qui avait amené le fonctionnaire délégué à ordonner lui aussi la cessation des travaux, non pas au motif de l'illégalité du permis mais en raison du non respect des plans du permis.

Postérieurement à l'arrêt de la Cour d'appel, le parquet a engagé des poursuites pénales devant le tribunal correctionnel de Charleroi contre le propriétaire et l'entrepreneur (une société appartenant au propriétaire) pour non respect des plans, violation de l'ordre de cessation du fonctionnaire délégué et maintien des travaux en infraction au permis.

Dans ce cadre, le fonctionnaire délégué a demandé, à titre de mesure de réparation, la mise en conformité de la construction avec le permis.

Notre client s'est constitué partie civile et s'est opposé à cette demande dans la mesure où elle revenait à pérenniser une situation contraire au bon aménagement de lieux.

Par jugement du 19 octobre 2022, le tribunal correctionnel a suivi les arguments de la partie civile, représentée par Vincent Letellier, et rejeté la demande du fonctionnaire délégué en constatant que le juge pénal était tenu par la décision du juge de l'action en cessation et qu'il ne pouvait donc pas faire droit à la demande de mise en conformité avec les plans puisque cela tendrait à l'exécution d'un permis jugé illégal. Plus précisément, le tribunal correctionnel exerce son contrôle de la légalité de la demande du fonctionnaire délégué et lui reproche de ne pas justifier la mesure de réparation qu'il sollicite au regard des exigences du bon aménagement des lieux. La demande est déclarée illégale et le tribunal rouvre les débats pour permettre au fonctionnaire délégué de formuler une autre demande de réparation, qui serait cette fois conforme au bon aménagement des lieux.

On soulignera par ailleurs la décision d'acquittement de la prévention de maintien des travaux réalisés en violation du permis, le trbinal faisant le constat de ce que les ordres administratif et judiciaire de cessation empêchaient légalemet les prévenus de remettre eux-même la situation en état. 

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