31.08.23

Entrée en vigueur de la réforme de la procédure d'expulsion en matière de bail et du moratoire hivernal (Région de Bruxelles-capitale)

Une importante réforme de la procédure d'expulsion des locataires entre en vigueur ce 31 août en Région de Bruxelles-capitale.

Cette réforme, qui consacre également le principe du moratoire hivernal, résulte de l'ordonnance du 22 juin 2023 ”insérant dans le Code bruxellois du Logement les règles de procédure applicables aux expulsions judiciaires et modifiant les moyens affectés par et au profit du Fonds budgétaire de solidarité”, à la rédaction de laquelle Vincent LETELLIER a participé.

L'objectif de la réforme vise à limiter au maximum le recours aux expulsions des locataires par un renforcement du rôle du juge et par l'instauration de formalités et de délais permettant au locataire d'apurer sa dette ou de trouver un nouveau logement.

Concernant le reforcement du rôle du juge, le législateur a tenu compte de ce que dans de trop nombreux dossiers, l'expulsion était ordonnée malgré le faible montant de la dette de loyer et, pire, qu'en vertu du Code judiciaire, le juge était tenu de faire droit à la demande lorsque le locataire ne comparaissait pas et ce, sans pouvoir tenir compte du montant de la dette. Dorénavant, le juge de paix devra tenir compte des effets de sa décision sur le droit au logement du locataire et ne pourra ordonner la résolution du contrat pour dette de loyer que si cette dette ne peut être apurée dans le respect de délais raisonnables, eu égard à la situation des parties, ou sur le constat de ce que la résolution du contrat constitue une décision proportionnée au regard des manquements qui fondent la demande. Le juge devra d'abord tenter de concilier les parties.

La procédure est par ailleurs modifiée pour assurer une aide effective du CPAS, soit pour permettre un véritable plan de remboursement, soit pour mettre en oeuvre une solution de relogement. A cette fin, la réforme consacre les modifications suivantes :

  • toute demande d'expulsion fondée sur une dette de loyer doit être précédée d'une mise en demeure dont le contenu est fixé par l'article 233quater du Code du Logement. Cette mise en demeure doit impérativement être adressée au moins un mois avant l'entame de la procédure judiciaire;
  • la demande doit être introduite par requête. Si elle l'est par citation, les frais en seront délaissés au bailleur, même s'il obtient gain de cause;
  • l'audience d'introduction ne peut être fixée qu'au terme d'un délai de 40 jours à dater de l'inscription de la requête au rôle général. Ce délai doit permettre une intervention réelle et effective du CPAS, informé de la requête par une communication du greffe (la possibilité pour le locataire de s'opposer à cette communication est supprimée);
  • en cas de jugement autorisant l'expulsion, le greffe en notifie copie au CPAS en même temps qu'aux avocats des parties (le locataire ne peut plus s'y opposer);
  • le délai d'expulsion (c'est-à-dire le délai entre la signification du jugement par un huissier et la date de l'expulsion) ne peut être inférieur à un mois. Ce délai peut être augmenté ou réduit dans le jugement en considération de circonstances d'une gravité particulière et en tenant compte des intérêts des deux parties;
  • l'huissier doit en outre informer le locataire de la date de l'expulsion, au minimum quinze jours ouvrables avant celle-ci. Ce délai est interrompu et l'expulsion ne peut avoir lieu si le locataire ou l'occupant communique à l'huissier la preuve d'une solution de relogement qui sera effective au plus tard un mois à dater de l'avis d'expulsion. Si au terme de ce délai, l'occupant n'a pas quitté les lieux, l'expulsion peut avoir lieu. 

La réforme consacre également le principe du moratoire hivernal, en interdisant en principe les expulsions entre le 1er novembre et le 15 mars. Cette interdiction peut toutefois être levée, par décision du juge de paix, dans les hypothèses suivantes :

  • l'état de salubrité et/ou de sécurité du bien le justifie;
  • le comportement du locataire est à l'origine d'une mise en danger qui rend toute prolongation de l'occupation impossible;
  • le bailleur se trouve dans une situation de force majeure qui lui impose d'occuper le logement à titre personnel. 

Pendant la période du moratoire, l'indemnité d'occupation reste due et en cas de défaillance de l'occupant, cette indemnité sera prise en charge par le Fonds régional de solidarité. 

Notons que le Syndicat national des Propriétaires (SNP) a saisi la Cour constitutionnelle d'un recours en annulation  de l'ordonnance du 22 juin 2023. La Cour est également saisie de deux questions préjudicielles posées par les juges de paix de Molenbeek-Saint-Jean et d'Uccle.