2/06/21

L'agent contractuel détaché auprès d'une organisation internationale maintient son droit à la rémunération malgré la signature d'un avenant à son contrat de travail prévoyant la suspension de l'exécution du contrat de travail et du paiement des rémunérations

C.T. Bruxelles, 4e ch., 2 juin 2021

Un agent contractuel de la Communauté française a eu l'opportunité de travailler un an comme "fonctionnaire détaché" auprès du Conseil de l'Europe. Son détachement a fait l'objet d'un protocole d'accord entre le Secrétaire général du Conseil de l'Europe et l'Ambassadeur de Belgique auprès du Conseil de l'Europe. 

Les modalités de mise à disposition auprès du Conseil de l'Europe de fonctionnaires internationaux, nationaux, régionaux et locaux ou d'autres personnes envoyées par les Etats membres fait l'objet d'une résolution du Comité des ministres du 15 février 2012 (CM/Res(2021)2). Il y est notamment prévu que la rémunération des fonctionnaires détachés reste à charge de l'Etat pourvoyeur. Il est également précisé que le détachement doit se faire  en application des législations nationales.

Dans la mesure où l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 2 juin 2004 relatif aux congés et aux absences des agents des Services du Gouvernement de la Communauté française, du Conseil supérieur de l'Audiovisuel et des organismes d'intérêt public relevant du Comité de Secteur XVII ne permet pas aux agents contractuels d'obtenir un congé pour mission, la Communauté française a proposé à l'agent concerné de signer un avenant à son contrat de travail prévoyant la suspension de l'exécution de celui-ci pendant la durée de cette mission, et donc la suspension de l'obligation pour la Communauté française de le rémunérer et de payer ses cotisations sociales.

Après la fin de son détachement, l'agent nous a demandé d'envisager la possibilité d'obtenir le paiement de ses arriérés de rémunération et de cotisations sociales, ce que nous avons obtenu par un arrêt du 2 juin 2021 de la Cour du travail de Bruxelles.

La Cour du travail constate que l'agent détaché dispose d'un droit subjectif à être rémunéré conformément à ce que prévoit la résolution du Conseil de l'Europe du 15 février 2012 qui impose à l'Etat pourvoyeur de prendre en charge le traitement et les autres éléments de la rémunération versés au fonctionnaire pendant la durée de la mise à disposition. Cette obligation concerne non seulement les fonctionnaires au sens strict des législations internes, c'est-à-dire les agents statutaires, mais également les agents contractuels et toutes autres personnes mises à disposition par les Etats pourvoyeurs. La Communauté française ne peut se retrancher derrière sa propre réglementation qui ne permet pas de rémunéré un agent détaché auprès d'une instance internationale (sauf pour ce qui concerne le détachement des agents statutaires auprès de la Commission européenne) pour éluder cette obligation. 

En faisant signer un avenant dérogeant à l'obligation de rémunérer l'agent détaché, la Communauté française a méconnu ses obligations internationales issues de la résolution CM/Res(2021)2 et du protocole d'accord entre la Belgique et le Conseil de l'Europe et qui touchent à l'ordre public. La renonciation de l'agent, qui a adhéré à cet avenant, à percevoir sa rémunération est nulle et ne peut lui être opposée.

La Communauté française est condamnée à payer à l'intéressé sa rémunération brute pendant la période de sa mise à disposition, ce qui entraîne l'obligation de payer les cotisations sociales y afférentes.

On notera que la situation n'aurait pas été différente si l'agent concerné avait été nommé. A l'égard des agents statutaires, conformément aux articles 77 et 78, § 6, de l'A.G.C.fr. du 2 juin 2004 "relatif aux congés", seul le congé pour mission aurpès de la Commission européenne est rémunéré. La Communauté française se doit de rémunérer tous les membres de son personnel détachés auprès d'instances internationals, à tout le moins lorsque les règles internationales qui régissent ces détachements ou mises à disposition prévoient une obligation de rémunération à charge de l'Etat pourvoyer.

> lire l'arrêt