Annulation de la loi qui "supprime" la cour d'assises


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Constitution - cour d'assises - crimes les plus graves - égalité de traitement - prévisibilité

 

L'article 150 de la Constitution consacre la compétence du jury populaire "en toutes matières criminelles et pour les délits politiques et de presse, à l'exception des délits de presse inspirés par le racisme et la xénophobie".

Considérant que la procédure devant la cour d'assises ne garantirait pas une meilleur justice qu'un examen par des juges professionnels, qu'elle est lourde et coûteuse, le législateur a souhaité, si ce n'est la supprimer, soustraire un maximum d'affaires de sa compétence sans modifier la Constitution en adoptant un régime de correctionnalisation généralisée de tous les crimes, même les plus graves, quels que soient leur nature ou la peine prévue par la loi, et ce sans prévoir les critères qui permettraient de déterminer les affaires qui seraient encore jugées par la Cour d'assises. Pour compenser cette correctionnalisation généralisée, le législateur a augmenté le taux des peines que peuvent prononcer les tribunaux correctionnels pour les crimes correctionnalisés, ce taux étant jusqu'à huit fois plus élevé que le taux de la peine que ces mêmes tribunaux pouvaient infliger pour punir un délit (art. 6, 121 et 122 de la loi du 5 février 2016 dite "loi pot-pourri 2").

Sur recours introduits notamment par l'Ordre des barreaux francophones et germanophones représenté par Vincent Letellier, Annemie Schaus et Harold Sax, la Cour constitutionnelle a annulé cette tentative de supprimer la cour d'assises.

Dans son arrêt n° 148/2017 prononcé le 21 décembre 2017, la Cour constitutionnelle a constaté qu'il n'était pas exact, comme le prétendait le conseil des ministres, que la loi réservait encore l'examen des crimes les plus graves à la juridiction que l'article 150 de la Constitution assigne aux personnes poursuivies pour de tels crimes. Tout crime pouvait en effet être porté soit devant le tribunal correctionnel, soit devant la cour d'assises, en fonction d'une décision prise par les juridictions d'instruction ou par le ministère public. Or, le tribunal correctionnel et la cour d'assises sont deux juridictions fondamentalement différentes, notamment en ce qui concerne la convocation des témoins, l'appréciation de la question de la culpabilité et la possibilité d'interjeter appel. 

La Cour a également constaté que le critère des "circonstances atténuantes" qui permettait aux juridictions d'instruction et au ministère public de déterminer si un crime est jugé par la cour d'assises ou par le tribunal correctionnel était dénaturé puisqu'elles ne seraient plus utilisées que pour déterminer la compétence des juridictions sans plus avoir d'incidence déterminante sur la durée de la peine à laquelle s'expose le prévenu.

La Cour a ainsi annulé une mesure qui ne garantissait pas que des personnes qui se trouvaient dans des situations identiques soient jugées selon les mêmes règles de compétence et de procédure.

lire l'arrêt

Le même arrêt prononce l'annulation d'autres mesures que nous contestions comme :

> l'extension de la mini-instruction à la perquisition;

> la suppression de la possibilité de se pourvoir en cassation contre une décision de la chambre des mises en accusation prolongeant la détention préventive,

> l'impossibilité pour la chambre du conseil d'autoriser la poursuite de la détention préventive sous bracelet électronique au stade du règlement de la procédure.

La Cour modalise enfin les conditions dans lesquelles le juge correctionnel peut refuser de recevoir une opposition à un jugement prononcé par défaut en précisant qu'il suffit pour l'opposant de faire état d'un cas de force majeure ou d'une excuse légitime et de démontrer l'existence de ce motif, sans qu'il soit tenu d'en apporter la preuve (B.39.2)